à la mémoire de Mélanie
ELLE VEILLAIT SUR LES ENFANTS. QUI VEILLERA SUR ELLE ?
Mélanie, 31 ans, poignardée devant un collÚge. Une femme effacée par la violence, une vie volée en silence. Opinion Day lui rend hommage, dans le respect, la colÚre et la vérité.
đ„ MĂLANIE, FRANCE EN LAMBEAUX : UNE MORT DEVANT UN COLLĂGE, UN PRĂSIDENT DEVANT UNE CAMĂRA đȘđŻïž
đ Une surveillante poignardĂ©e. Une ville en Ă©tat de choc. Et un prĂ©sident qui parle de âbrainwashingâ.
đŁ Ce nâest pas une tragĂ©die isolĂ©e. Câest un miroir de ce que nous sommes devenus.
Le 10 juin 2025 Ă Nogent, Haute-Marne, une femme de 31 ans est morte devant un collĂšge. Elle sâappelait peut-ĂȘtre MĂ©lanie â son prĂ©nom circule, sans confirmation officielle, comme un murmure de dignitĂ© quâaucune autoritĂ© nâose reprendre. Elle Ă©tait assistante dâĂ©ducation. Elle veillait sur les Ă©lĂšves. Elle nâĂ©tait ni ministre, ni Ă©lue, ni syndiquĂ©e. Elle Ă©tait lâun de ces visages que la RĂ©publique ne voit jamais, sauf quand ils sâeffondrent dans une mare de sang. Ce matin-lĂ , elle sâest effondrĂ©e. PoignardĂ©e par un collĂ©gien de 15 ans lors dâun contrĂŽle de sacs. Le collĂšge Françoise-Dolto a basculĂ© dans la barbarie. Et lâĂlysĂ©e ? Il a basculĂ© dans le commentaire froid. Emmanuel Macron, quelques heures plus tard, depuis un plateau tĂ©lĂ©, a osĂ© dire que la France Ă©tait victime dâun âbrainwashingâ collectif. Pas de compassion. Pas de discours de vĂ©ritĂ©. Juste ce mĂ©pris poli, prĂ©sidentiel, anesthĂ©siant. Comme si la vraie violence venait de ceux qui regardent, et non de ceux qui tuent. Câest ce quâil reste aujourdâhui dâun pays qui ne sait plus enterrer ses morts sans sâexcuser de les nommer. Ce nâest pas une tragĂ©die. Câest une faillite. Et ce mĂ©dia nâest pas lĂ pour la raconter avec des gants blancs. Opinion Day Ă©crit pour ceux qui crient.
Elle nâĂ©tait pas connue. Pas mĂ©diatisĂ©e. Pas dĂ©corĂ©e. Pas tweetĂ©e par lâĂlysĂ©e avant sa mort. Elle nâĂ©tait pas ministre de lâĂducation. Elle nâĂ©tait pas syndicaliste. Elle ne manifestait pas pour son salaire. Elle surveillait. VoilĂ tout. Elle faisait partie de ces silhouettes qui accompagnent la jeunesse française dans ce quâil reste dâĂ©cole rĂ©publicaine : un sas de tension entre la rue et la classe, entre lâautoritĂ© et lâabandon. Elle avait 31 ans. Elle se levait tĂŽt. Elle connaissait les prĂ©noms, les absents, les absences de repĂšres. Elle connaissait les Ă©lĂšves qui mentent et ceux qui craquent. Elle connaissait ce gamin peut-ĂȘtre. Ou peut-ĂȘtre pas. Mais elle Ă©tait lĂ , face Ă lui. Et lui, ce matin-lĂ , a choisi de tuer. Il a brandi une lame. Pas une gifle. Pas un mot. Pas une bousculade. Une lame. Il a frappĂ©. Et elle, elle est tombĂ©e. Ce quâelle portait sur elle, ce jour-lĂ , ce nâĂ©tait pas un gilet pare-balles. CâĂ©tait sa prĂ©sence. Sa tenue. Son calme. Son silence. Et ce silence, ce sang, cette stupeur, ont Ă©tĂ© balayĂ©s par des mots froids, des communiquĂ©s anonymes, des formules creuses. âLa victimeâ, disent les articles. âUne surveillanteâ, rĂ©pĂštent les bulletins. Comme si cela suffisait Ă la dĂ©finir. Mais pour les Ă©lĂšves, pour ceux qui lâont vue mourir, elle avait un nom. Un regard. Une voix. Et mĂȘme si les autoritĂ©s ne veulent pas le dire, mĂȘme si les ministĂšres Ă©vitent de le prononcer, nous, nous le disons : elle sâappelait peut-ĂȘtre MĂ©lanie. Et mĂȘme si ce nâest pas son vrai prĂ©nom, câest celui que nous porterons. Parce que la RĂ©publique ne peut pas enterrer ses morts sans dire leur nom. Parce quâun pays qui efface les visages de ceux quâon tue finit toujours par effacer sa propre conscience.
Ă 8h15 du matin, le 10 juin 2025, devant le collĂšge Françoise-Dolto de Nogent en Haute-Marne, un Ă©lĂšve de 15 ans sort un couteau et frappe. La cible nâest pas un camarade, ni un enseignant, mais une surveillante. Une femme. Une adulte. Une figure dâautoritĂ© modeste. Plusieurs coups. Pas un dĂ©rapage. Un acte. Lâarme blanche est dissimulĂ©e, les coups sont portĂ©s en pleine poitrine. Lâagresseur est immĂ©diatement interpellĂ©, un gendarme lĂ©gĂšrement blessĂ©, la surveillante meurt sur place. Elle nâa pas eu le temps de se dĂ©fendre. Elle faisait ce que lâĂtat lui demandait de faire : contrĂŽler des sacs, encadrer des jeunes, rester debout Ă lâentrĂ©e, malgrĂ© la peur, malgrĂ© les risques. Ce jour-lĂ , elle est morte pour un sac. Et ceux qui dirigent ce pays nâont rien vu venir. Ni rectorat, ni ministĂšre, ni prĂ©sidence nâont exprimĂ© le moindre mot dâempathie rĂ©el dans les premiĂšres heures. Tout a Ă©tĂ© gĂ©rĂ© comme une procĂ©dure. Il y a eu des cellules psychologiques, des mots vides, des hommages scolaires prĂ©formatĂ©s. Mais aucun tremblement politique. Aucun sursaut. La vie de MĂ©lanie â si câest bien ainsi quâelle sâappelait â ne semble pas avoir pesĂ© plus lourd quâun article en bas de page dans Le Monde. Pas de une. Pas de reportage. Pas de colĂšre. Juste un âdrameâ. Comme sâil sâagissait dâun glissement de terrain ou dâun accident de car. La vĂ©ritĂ©, câest que ce pays a tuĂ© une surveillante et nâa pas su prononcer son nom. La RĂ©publique, qui se drape dans les droits de lâhomme, est incapable de protĂ©ger ceux quâelle emploie pour maintenir lâordre dans ses Ă©coles.
đ„ MACRON : UN PRĂSIDENT Ă CĂTĂ DE LA PLAIE
Alors que la France encaisse le choc, que la ville de Nogent allume des bougies et que des adolescents de 12 ans pleurent leur surveillante, le PrĂ©sident de la RĂ©publique monte sur le ring. Mais pas pour dĂ©noncer la violence. Pas pour pleurer avec la famille. Pas pour dire : âJe suis responsable.â Non. Emmanuel Macron, en direct, sur France 2, en marge dâun sommet sur les ocĂ©ans, dĂ©gaine son nouveau concept : le brainwashing. Selon lui, la France serait victime dâun lavage de cerveau mĂ©diatique. Ce ne sont donc pas les actes qui traumatisent le pays, ce sont ceux qui les rapportent. Ce ne sont pas les couteaux, câest lâinfo. Ce nâest pas le meurtre, câest le tweet. Macron accuse les journalistes, les rĂ©seaux, les opposants, les figures de droite, de surfer sur âune succession de faits diversâ. Une femme morte, poignardĂ©e, devient un fait divers. Une trace parmi dâautres. Et ceux qui crient leur indignation seraient âmalhonnĂȘtes et sans pudeurâ. La honte, ce ne serait pas la mort. Ce serait dâen parler. VoilĂ la France en 2025 : un chef dâĂtat qui gĂšre les drames comme des bad buzz. Quand il nâa rien Ă dire, il attaque ceux qui parlent. Quand il est incapable dâagir, il accuse ceux qui Ă©coutent. Et pendant ce temps, les familles nâentendent toujours pas de nom, pas de reconnaissance, pas de justice. Rien. Juste une parole prĂ©sidentielle dĂ©sincarnĂ©e, abstraite, statistique. Macron ne parle plus aux Français. Il parle contre eux. Il ne prĂ©side pas, il rationalise lâinacceptable. Ce que MĂ©lanie a subi nâest pas une actualitĂ© manipulĂ©e. Câest un effondrement. Et quiconque ose encore le nier ne mĂ©rite pas de gouverner une sociĂ©tĂ©.
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đ„ VIOLENCE DES MINEURS, DĂSASTRE PSYCHIATRIQUE ET FAILLE PARENTALE
Le suspect a 15 ans. Il nâĂ©tait pas connu des services de police. Il nâa pas criĂ©, il nâa pas revendiquĂ©. Il a frappĂ©. Il est aujourdâhui en garde Ă vue. On ne sait pas encore pourquoi. Mais la vĂ©ritĂ©, câest quâen France, les enfants tuent. Ce nâest plus un accident. Câest une tendance. Ce ne sont plus des cas isolĂ©s. Ce sont des symptĂŽmes. Depuis deux ans, des mineurs poignardent, agressent, incendient, humilient. Et Ă chaque fois, les mĂȘmes mots reviennent : âincomprĂ©hensionâ, âdrameâ, âsuivi psychologiqueâ. Mais ce suivi nâexiste pas. La psychiatrie pour enfants est morte. Les hĂŽpitaux spĂ©cialisĂ©s ferment. Les mĂ©decins partent. Les foyers ASE dĂ©bordent. Les Ă©ducateurs sont seuls. LâĂ©cole est seule. La famille est absente. Et le ministĂšre sâĂ©tonne. Ce que la France affronte nâest pas une sĂ©rie de dĂ©rives. Câest une gĂ©nĂ©ration abandonnĂ©e, privĂ©e de soins, privĂ©e de limites, privĂ©e de langage. Un mineur de 15 ans qui sort un couteau et tue une femme Ă lâĂ©cole, ce nâest pas un mystĂšre psychiatrique. Câest lâaboutissement dâune chaĂźne dâĂ©checs : parentalitĂ© dĂ©faillante, cadre scolaire dĂ©litĂ©, dispositifs sociaux saturĂ©s, politique publique en dĂ©shĂ©rence. Et pendant ce temps, les plateaux TV parlent de TikTok. Comme si la barbarie venait dâun algorithme et non dâun vide Ă©ducatif abyssal. Lâadolescent de Nogent est une consĂ©quence. Pas un monstre. Pas un alien. Un gamin fabriquĂ© par nos renoncements.
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đ„ MĂLANIE, VICTIME DâUNE FAUTE COLLECTIVE
Elle ne faisait pas de politique. Elle ne voulait pas rĂ©former lâĂ©cole. Elle ne voulait pas incarner un symbole. Elle voulait juste travailler. Ătre lĂ Ă lâheure. Tenir le portail. Savoir quâaucun Ă©lĂšve ne ramĂšne une lame. Câest tout. Elle nâĂ©tait pas armĂ©e. Pas protĂ©gĂ©e. Pas prĂ©parĂ©e. Et maintenant, elle est morte. Et ceux qui veulent lui rendre hommage ne peuvent mĂȘme pas utiliser son nom officiellement. VoilĂ oĂč on en est. On demande aux citoyens de pleurer en silence, dâattendre les communiquĂ©s, de ne pas faire dâamalgame. Mais de quel amalgame parle-t-on ? Il nây a pas dâamalgame quand il y a un mort. Il y a une responsabilitĂ©. Et cette responsabilitĂ© est collective. Ce qui sâest passĂ© Ă Nogent nâest pas le fruit dâun dĂ©sĂ©quilibrĂ© sorti de nulle part. Câest le fruit dâun dĂ©sĂ©quilibre gĂ©nĂ©ralisĂ©. Nous avons une Ă©cole sans autoritĂ©. Une justice sans moyens. Une psychiatrie sans lits. Une sociĂ©tĂ© sans pĂšre. Une RĂ©publique sans colonne vertĂ©brale. Et dans cet effondrement lent, mĂ©thodique, organisĂ©, les premiĂšres Ă tomber sont les figures modestes : les institutrices, les surveillantes, les Ă©ducateurs, les chauffeurs, les soignants. Tous ceux qui font tourner la France rĂ©elle pendant que la France dâen haut fait des plateaux tĂ©lĂ© et des panels de communication. MĂ©lanie est morte, et ce pays, dans sa froideur administrative, nâa mĂȘme pas Ă©tĂ© capable de dire âNous avons Ă©chouĂ©.â Alors nous le disons Ă sa place : vous avez Ă©chouĂ©. Et nous nâoublierons pas.
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đ„ à MĂLANIE : CE QUE LA FRANCE NE DIT PAS, NOUS LâĂCRIRONS
Ce texte est un hommage. Pas un article. Pas un Ă©ditorial. Pas une tribune. Un hommage. Parce quâon ne peut pas laisser la parole publique se rĂ©sumer Ă des communiquĂ©s tiĂšdes et Ă des Ă©lĂ©ments de langage ministĂ©riels. Parce quâon ne peut pas tuer une femme et dire que câest un fait divers. Parce quâon ne peut pas traiter une sociĂ©tĂ© malade avec des mots de technocrate. Ce texte est pour elle. Pour MĂ©lanie. Pour celle qui nâa pas eu droit Ă un prĂ©nom officiel mais qui avait un prĂ©nom rĂ©el. Pour celle qui ne demandait rien, qui ne revendiquait rien, mais qui incarnait tout. Elle est morte debout. Elle est morte face Ă un Ă©lĂšve. Elle est morte pour la RĂ©publique. Et la RĂ©publique nâa pas bougĂ©. Alors nous, nous bougeons. Nous Ă©crivons. Nous nommons. Nous crions. Nous nâacceptons pas. Il nây aura pas de paix sans justice. Pas de deuil sans vĂ©ritĂ©. Pas de silence sans rĂ©ponse. Ce mĂ©dia nâest pas lĂ pour pleurer avec des hashtags. Il est lĂ pour nommer ce que les autres camouflent. Pour dire ce que lâĂtat refuse de dire. Pour hurler lĂ oĂč les prĂ©fets susurrent. MĂ©lanie, quâimporte ton nom officiel. Tu es devenue le nĂŽtre. Tu es le signal dâalarme que personne nâa voulu entendre. Et nous, on tâa entendue. Ta mort est notre cri.
đ„ LES PROCHES, LA MĂMOIRE, LE PIĂGE DE LA CAMĂRA
Ils sont lĂ . Silencieux. AnĂ©antis. Ce sont ses proches. Ceux qui ne savent pas encore comment faire leur deuil, parce quâon ne leur a pas laissĂ© le temps. Parce quâĂ peine le corps au sol, la machine mĂ©diatique sâest mise en route. Les micros. Les flashs. Les questions. âQue pensez-vous ?â âĂtait-elle stressĂ©e ?â âAvait-elle des problĂšmes avec certains Ă©lĂšves ?â Et toujours, cette mĂȘme phrase obscĂšne quâon glisse pour forcer le tĂ©moignage : âVotre tĂ©moignage pourrait ĂȘtre utile.â Utile pour qui ? Pour quel agenda ? Pour quel format ? On presse les familles comme des citrons de pathos. On scrute les silences comme des aveux. On transforme le chagrin en segment dâantenne. Les parents, les amis, les collĂšgues nâont pas le temps de respirer quâils deviennent dĂ©jĂ suspects de ne pas assez parler, ou de trop en dire. Câest ça, la meute. Câest ça, la France mĂ©diatique de 2025 : un pays oĂč les morts nâont pas le droit au silence, et les vivants pas le droit Ă lâintimitĂ©. Alors on le dit ici, fermement : les proches nâont pas Ă ĂȘtre âsollicitĂ©sâ. Ils doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s. Si un jour ils veulent parler, quâils soient entendus dans un cadre apaisĂ©. Pas dans un studio. Pas devant une camĂ©ra. Pas avec un bandeau âEXCLUSIFâ qui sâaffiche pendant quâils pleurent.
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đ„ ENCADRER LE DEUIL, DĂSARMER LâOBSCĂNE
Il ne suffit pas de faire des cellules psychologiques pour les Ă©lĂšves. Il faut une cellule de dĂ©cence pour les adultes. Lâexploitation mĂ©diatique du deuil est devenue une industrie. Chaque meurtre, chaque attaque, chaque effondrement collectif devient une scĂšne. On appelle les familles. On leur promet du soutien. On les filme. Puis on les oublie. Si lâĂtat avait encore une colonne vertĂ©brale, il imposerait un encadrement strict : aucun tĂ©moignage de proche sans accompagnement psychologique avant et aprĂšs. Aucun tournage sans consentement Ă©clairĂ©. Aucun direct dans les jours du drame. Mais non. On laisse faire. On laisse venir. Et parfois, ce sont les proches eux-mĂȘmes qui se jettent dans la gueule du monstre, pensant quâils vont y trouver justice, reconnaissance, mĂ©moire. Mais la tĂ©lĂ© ne donne rien. Elle prend. Elle prend les larmes. Elle prend les tics nerveux. Elle prend les contradictions. Puis elle passe au sujet suivant. Ici, Ă Opinion DayÂźâą, on ne fait pas ça. On Ă©crit. On documente. On assume notre point de vue, mais on respecte les morts. On ne filme pas les veuves. On nâinvite pas les parents Ă commenter la derniĂšre rumeur. Nous ne faisons pas du deuil une vitrine. Et si un jour la famille de MĂ©lanie lit ces lignes, quâelle sache ceci : vous nâavez pas Ă parler pour que votre souffrance soit entendue. Nous parlons pour que vous puissiez vous taire sans ĂȘtre effacĂ©s.