SATIRE POLITIQUE · TRAHISON · AMBITION

LE PRIX DE SA TRAHISON

Un article inĂ©dit d’Opinion Day¼ℱ. Satire stylisĂ©e, rĂ©vĂ©lations politiques et analyse virulente sur les trahisons du pouvoir. Chaque mot est pesĂ©. Chaque ligne est archivĂ©e.

 
LE PRIX DE SA TRAHISON – ÉDOUARD PHILIPPE, MALADE DE COLÈRE OU SAIN D’AMBITION ?

 

Édouard Philippe est malade. Pas de diabĂšte, pas de tension, ni mĂȘme du COVID. Non, il est « malade de colĂšre ». Et comme tout politicien en pleine poussĂ©e de fiĂšvre Ă©lectorale, il a trouvĂ© le remĂšde miracle : un livre. Le Prix de nos mensonges. Un titre plein de gravitĂ©, de noblesse, de gravats aussi. 191 pages pour expliquer que la France va mal, que l’État est obĂšse, que la sociĂ©tĂ© est bloquĂ©e, que la justice est faible, que la dĂ©mocratie est malade. Comme s’il dĂ©couvrait soudain que le Titanic prend l’eau
 aprĂšs avoir passĂ© trois ans Ă  la barre. Oui, car l’homme qui crie au naufrage a tenu le gouvernail de 2017 Ă  2020. L’ancien Premier ministre devenu candidat Ă  la prĂ©sidentielle livre un rĂ©quisitoire sanglant contre la Macronie, tout en soignant son image d’opposant stoĂŻque, de prophĂšte lucide, de samouraĂŻ du renouveau rĂ©publicain. Mais qui croit encore Ă  cette mise en scĂšne, sinon les journalistes fatiguĂ©s de se relire et les Ă©ditorialistes amnĂ©siques qui confondent la trahison avec le courage ? Car enfin, qu’est-ce qu’un homme qui critique avec tant de vĂ©hĂ©mence le systĂšme qu’il a contribuĂ© Ă  faire tourner ? Un patriote ? Un lanceur d’alerte ? Non. Un cynique, un stratĂšge, un candidat. VoilĂ  ce qu’il est. L’élĂ©gance de sa plume ne masque pas l’odeur de poudre qu’exhale chaque chapitre : Philippe ne peint pas la France en noir, il prĂ©pare sa campagne en rouge sang. Il n’écrit pas un livre, il lance une attaque. Et il ne le fait pas seul : il l’envoie, dĂ©dicacĂ©, Ă  Emmanuel Macron, comme on glisse une lame dans le dos avec une citation latine. Ce n’est plus de la littĂ©rature, c’est de la guerre. Diplomatique, feutrĂ©e, Ă©ditorialisĂ©e. Mais une guerre.

Dans le monde des puissants, les poignards ne sont jamais rouillĂ©s. Ils sont gravĂ©s au laser. Philippe choisit de dĂ©noncer les « mensonges français », mais omet de prĂ©ciser les siens. L’homme qui s’est fĂ©licitĂ© de toutes les rĂ©formes libĂ©rales pendant son passage Ă  Matignon dĂ©couvre soudain que l’État est impotent, que la dette est colossale, que la sociĂ©tĂ© se dĂ©lite. À croire qu’il a passĂ© trois ans dans un monastĂšre, et non au sommet de l’État. Mais dans la RĂ©publique des hypocrites, on se rĂ©invente plus vite qu’on ne rĂ©forme. Et la premiĂšre rĂ©forme qu’Édouard Philippe applique Ă  lui-mĂȘme, c’est l’effacement de ses responsabilitĂ©s passĂ©es. Ce n’est pas une page blanche, c’est une page arrachĂ©e. On efface, on gomme, on recommence. Version Philippe 2025 : indignĂ©, lucide, presque dissident. Et surtout, surtout : prĂȘt. PrĂȘt Ă  prendre la relĂšve. À succĂ©der Ă  celui dont il a partagĂ© les conseils de guerre et les Ă©lĂ©ments de langage. PrĂȘt Ă  faire croire que lui, c’est diffĂ©rent.

Mais les masques ne tiennent jamais longtemps sous la chaleur d’une campagne. Philippe n’est pas un inconnu. Il est le prototype du technocrate post-gaulliste, issu des rangs de LR, devenu Macron-compatible avant de devenir Macron-ingrat. Il a goĂ»tĂ© au pouvoir, y a survĂ©cu, et le veut Ă  nouveau. Ce n’est pas un malade, c’est un accro. Son livre, c’est sa mĂ©thadone. Son antidĂ©presseur Ă©ditorial. Il veut laver son passĂ©, redorer son blason, en se dressant sur les ruines de la Macronie. Il ne dit pas « j’étais complice », il dit « j’étais lucide ». Il ne dit pas « j’ai Ă©chouĂ© », il dit « je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©coutĂ© ». Cette rhĂ©torique du sacrifice et de la clairvoyance est vieille comme la CinquiĂšme RĂ©publique. Tous les candidats déçus s’en parent : Mitterrand dĂ©nonçant la sociĂ©tĂ© bloquĂ©e en 1971, Rocard pleurant sur le PS, Sarkozy jurant qu’il a changĂ©. Philippe s’inscrit dans cette lignĂ©e. Avec des lunettes, une barbe et une plume plus sobre. Mais avec la mĂȘme ambition vorace.

Ce livre est un signal. Pas Ă  Macron. À l’opinion. À la presse. Aux barons locaux. Aux banquiers de l’ombre. Il leur dit : « Je suis lĂ . Je suis prĂȘt. Et je suis plus propre que le dĂ©sastre qu’ils laissent derriĂšre eux. » Une opĂ©ration de blanchiment politique dĂ©guisĂ©e en manifeste de vĂ©ritĂ©. Et comme tout bon blanchiment, il commence par salir l’autre. Macron est dĂ©crit comme un monarque mou, un gestionnaire dĂ©passĂ©, un prĂ©sident-symbole de l’impuissance publique. Le timing est parfait. Les EuropĂ©ennes sont passĂ©es, la droite se cherche, la gauche se noie, les macronistes s’effilochent. Philippe se place. StratĂ©giquement. Militairement. Avec le sourire d’un traĂźtre bien Ă©levĂ©. C’est le bal des couteaux. Et les français, las, regardent le cirque en espĂ©rant que le prochain numĂ©ro sera moins mauvais.

Il faudrait une encyclopĂ©die pour rĂ©pertorier tous les anciens Premiers ministres qui ont trahi leur prĂ©sident. Philippe s’inscrit dans une longue tradition : Balladur trahissant Chirac, Villepin torpillant Sarkozy, Valls tentant de survivre Ă  Hollande. Mais il le fait avec plus de classe, plus de sang-froid, plus de maĂźtrise. Moins de sincĂ©ritĂ© aussi. Tout est calculĂ©. Sa colĂšre ? Une posture. Son indignation ? Une rhĂ©torique. Son livre ? Un missile Ă  tĂȘtes multiples : Ă©lectoral, personnel, idĂ©ologique. Il ne dit pas seulement que la France va mal. Il dit qu’il est le seul Ă  pouvoir la sauver. Et il veut qu’on oublie qu’il Ă©tait lĂ  quand elle a commencĂ© Ă  couler. Ce n’est pas un pompier. C’est un pyromane qui revient avec un seau d’eau tiĂšde.

Ce texte n’est pas une recension littĂ©raire. C’est un appel Ă  la luciditĂ©. À ne pas confondre le style avec la sincĂ©ritĂ©. Le verbe avec la vertu. Le livre d’Édouard Philippe est bien Ă©crit. Il est cohĂ©rent. Il est mĂȘme intelligent. Mais il n’est pas honnĂȘte. Il est stratĂ©giquement utile, personnellement flatteur, politiquement assassin. Il appartient Ă  cette littĂ©rature du pouvoir qui consiste Ă  accuser l’autre pour s’en exonĂ©rer. À dĂ©noncer le systĂšme pour mieux en hĂ©riter. À jouer l’homme neuf quand on est un homme recyclĂ©. Ce n’est pas « Le Prix de nos mensonges », c’est le manuel du retour programmĂ©. Et chaque ligne est une Ă©tape de campagne. Philippe ne demande pas pardon. Il demande le pouvoir. Encore.

 

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